Fragment n°1
: Les tribus se battaient depuis des siècles entre elles. Piller son
voisin, détruire son voisin, voilà tout le bien qu'il y avait à
appartenir à ce qu'on allait appeler bientôt Ulm. Le mode d'organisation
tribal était simple : le shaman réglait les questions spirituelles, le
guerrier-forgeron les questions judiciaires et le chef de clan les
questions militaires. De temps en temps, un individu exceptionnellement
bon spirituellement se retrouvait à la tête du camp : on l'appelait le
Shaman Cornu par respect et par égard pour son casque.
Ces tribus tenaient sous leur coupe des dizaines d'hommes et de femmes.
Les mères portaient l'arc, les enfants subissaient une initiation dans
la nature en plein hiver et les hommes étaient des guerriers à des
degrés hiérarchiques divers. On pouvait parler d'eux comme des barbares.
Mais il étaient avant tout des hommes. Et des hommes ne venait que la
guerre.
Les Shamans Cornus repérèrent il y a quelque temps une perturbation
spirituelle de grande ampleur. Le dieu qu'on appelait Pantokrator avait
disparu. Ce vide avait été comblé par une dizaine de prétendants à la
divinité, menant des peuples de géants, de créatures faites de terre ou
de chair, venant des tréfonds des cavernes ou de la terre ferme. Ces
visions de peuples apportant désolation et mort au monde qui s'embrasait
d'une flamme de fanatiques emplit les shamans d'inquiétude. Que faire
pour leurs tribus ? Les Shamans Cornus se contactèrent spirituellement,
et se mirent d'accord sur un grand projet d'union. A n'en pas douter,
toutes les tribus ne répondront pas à l'appel. Qu'importe, les chefs
spirituels tribaux furent appelés à se rendre avec toute leur tribu dans
un espace ouvert à la discussion.
De très nombreuses tribus s'y rendirent. Le ton apocalyptique des
shamans n'y était pas pour rien. Et finalement, on y était. Pendant que
tous vaquaient à leurs occupations en étant sur leur garde, tous les
chefs s'assirent autour d'un totem de grande dimension. Ici, un dieu en
devenir était enfermé, annoncèrent les Shamans Cornus. Mais seule
l'intervention de tous les shamans pourrait le réveiller. Pendant que
les Shamans Cornus méditaient sur la bêtise de la race humaine, les
chefs parlèrent, un jour, puis deux, puis trois.
L'un d'eux, particulièrement sage, se leva soudain :
"Du haut de nos montagnes adorées, ma tribu et moi avons observé des
flammes brûlantes s'élever jusqu'au ciel, des cités bâties, des terrains
remodelés, et dedans grouillaient la plus terrible engeance que vous
n'avez jamais vu. Vous ne croiriez pas mes éclaireurs s'ils vous
disaient tout ce qu'ils avaient vu. "Xibalba", car c'est tout ce qu'a pu
dire la créature que nous avons ramené, désigne ces chauve-souris de
taille humaine et qui volent, et qui pillent, et qui tuent. Elles se
terrent dans leurs cavernes, mais nul doute qu'elles en sortiront un
jour pour nous précipiter dans les ténèbres."
Un autre se leva :
"Près d'une forêt sacrée, j'ai observé les mouvements d'hommes coiffés
de plumes. Ils tiraient derrière eux des femmes hurlantes et jeunes.
Elles auraient pu devenir comme par chez nous de puissantes guerrières,
mais elles furent égorgées comme des animaux sur le parvis d'un temple
au milieu des ovations de ces hommes qui voyaient les leurs se
transformer en bêtes, en hurlant "Mictlan". "
D'autres témoignages s'enchaînèrent :
"Après un raid réussi sur une petite ville, nous nous sommes cachés,
attendant une nouvelle occasion pour piller le reste. Et nous les vîmes.
Ou plutôt, nous les devinâmes. A chaque battement de cil, ils
disparaissaient et reparaissaient. On aurait dit des fantômes. Et
pourtant, ce n'en était pas. Ils massacrèrent toute la population de la
ville en une fraction de secondes, hissèrent leur drapeau, et firent une
ovation à "Vanheim", peut-être un de leur dieu, peut-être leur nom."
"Les monstruosités des cavernes... Elles sont là, tapies dans l'ombre.
Nous avons regretté d'avoir enfoui notre butin ici. Quand nous sommes
arrivés le récupérer, ces créatures grouillaient partout, comme des vers
de terre géants marchant sur deux jambes et tenant des armes en fer
dans leur main. J'ai pu m'en sortir vivant, mais la moitié des guerriers
de ma tribu y sont passés."
"En rase campagne, j'ai vu des légions de singes se précipiter sur des
hommes en uniforme. Jetant des cailloux et recevant des flèches, les
singes avaient à leur disposition des géants presque nus qui dansaient.
Oui, dansaient sur le champ de bataille. Et leur danse macabre apportait
la désolation dans le camp adverse. Mais ils étaient trop structurés
pour jeter l'éponge. Malgré les pertes, ils tinrent leur position. Et ce
fut tout, ils se séparèrent."
"Au fond d'une montagne, j'ai vu des êtres maléfiques hululer de façon
grotesque accueillant les hommes mauvais, nos bannis et d'autres
monstruosités. Des messagers nous sont parvenus nous disant que Yomi
accueillait tous les déserteurs et les bandits."
Entendant tout cela, les Shamans Cornus rejoignirent la conversation.
"Xibalba, Mictlan, Vanheim... Les noms ne sont pas importants. Agartha,
Kailasa, T'ien Chi, Yomi... Les noms sont malfaisants. Et nous, fier
peuple, que devons-nous faire ?"
Les chefs se levèrent d'un seul homme et firent sans attendre un serment
d’allégeance. Les Shamans Cornus s'approchèrent du totem.
"Là-dedans sommeille un dieu. Pourra t-il mener un peuple entier à la victoire ?"
Les chefs acquiescèrent et rejoignirent leurs tribus respectives. Il
était temps de bâtir une cité, et des murs épais, en hommage à cette
alliance et contre les monstruosités du dehors. Les Shamans commencèrent
le rituel d'invocation.
Les hommes avaient une terre. Et elle s'appelait désormais "Ulm".
La lutte pour la divinité avait commencé...
Fragment n°2 : La fière nation d'Ulm se lève maintenant, prête à
marcher au combat sous la houlette du Veilleur. Sorti de son rocher
désormais brisé, il observe le monde qu'il avait oublié durant des
siècles et des siècles. Les hautes montagnes, les sombres cavernes, les
profondes forêts et les larges plaines avaient été façonnées par le
Pantokrator lui-même. Et son rôle avait été de tenir ce bout civilisé,
jusqu'à ce qu'il s'endorme d'un long et profond sommeil. Le Pantokrator
parti, le Veilleur devait continuer la tâche qui lui avait été confié.
Tous les peuples se levaient en masse, une guerre sanglante allait avoir
lieu, mais il y n'y aura qu'un seul vainqueur.
Ulm... Cette nation d'humains téméraires et durs comme le roc, sera son
épée ; la puissance et l'habileté de ses shamans sera son bouclier.
Ensemble ils vaincront. Ils n'ont de toute façon plus le choix.
Le Veilleur est là...
Fragment n°3 :
Ulm... Cette nation d'humains téméraires et durs comme le roc, sera son
épée ; la puissance et l'habileté de ses shamans sera son bouclier.
Ensemble ils vaincront. Ils n'ont de toute façon plus le choix.
Le Veilleur est là... Le Taureau des Tempêtes, le Roi de la Pierre, le
Seigneur des Illusions et de la Mascarade. Mais qui y a t-il donc à
affronter ?
Les engeances des tréfonds : Xibalba, les Gardiens du Soleil. Des
légions ténébreuses de chauve-souris corrompues par les enseignements de
Mictlan. Soi-disant gardiens du soleil et de la lune, ils se sont mis à
sortir de leurs cavernes humides par milliers en suivant Findus, le
Seigneur de l'Ordre, la Montagne de Force et l'Ennemi des Ténèbres. Sous
sa coupe, le monde doit plier et le soleil régner.
Les démons des montagnes : Yomi, les Rois des Onis, des honnis si vous
préférez. Dans leur tas de cendres qui leur sert de repère, ils se
regroupent, attirant les plus vils des humains, ouvrant des portails
maléfiques menant à des forces insondables de dévastation et de mort.
Ils respectent celui qui les a réuni, à savoir Fujin, le Divin Scribe et
l'Amateur de Guerre. Reste à savoir s'il restera un amateur.
Les singes au service du divin : Kailasa, l'Ascension des Rois-Singes.
Sous ce mont, des êtres moitié-divins sommeillaient jusqu'à ce que des
légions de singes à peine dégrossis ne trouble leur sommeil. Ils les
prirent sous leur coupe, leur apprirent tout ce qu'il y avait à savoir,
et formèrent une véritable civilisation. Dans les jungles luxuriantes,
des singes de toute stature se lèvent et marchent en cadence, suivis par
les danseurs mystiques. La seule personne qu'ils suivent : BlissMan, le
Premier Né de Gaïa, le Prince des Animaux et le Seigneur de la Guerre.
Les légions de singeS se fraient maintenant un chemin à travers le monde
civilisé.
Les guerriers Vanirs adeptes des illusions : Vanheim, l'Age des Vanirs.
Dans des contrées lointaines et magiques, les Vanirs sont nés. Décidés à
sortir de l'anonymat, ils asservissent brutalement les hommes et les
êtres qu'ils considèrent inférieurs, sans crier garde. Maîtres des
illusions et de l'enchantement, il ne leur faut qu'un instant pour
s'approcher d'une cité sans se faire repérer, et autant de temps pour
abattre ses murs pendant que les hommes peinent à simplement les
approcher. Navigateurs nés, ils ont aussi sous leur coupe des nains
faiseurs de métal. Ils suivent désormais Svärnaud, le Mécène des
Forgerons. Nul doute que ces êtres seront prêts à tout pour arriver à
leurs fins.
Les créatures des cavernes : Agartha, les Etres Pâles. Ces cyclopes
hantent les profondeurs de notre terre, des aquifères aux cavernes
sombres. Menés par des oracles tissant les fils du destin, ils
grandissent, peu à peu. La venue récente d'Indicible, l'Esprit
d'Obsidienne, Le Dieu aux Nombreux Noms et Celui qui est sur la
Montagne, ne va pas les arrêter, bien au contraire. Ils se rapprochent
chaque jour de la surface.
Les Sacrificateurs, hommes et bêtes : Mictlan, le Temps du Sang. Cette
ancienne tribu isolée a su à force de conquêtes former un véritable
empire, dominé par les rois-prêtres. Au nom du Dieu Affamé, du Soleil et
de la Lune, de la Pluie et de la Forêt, ils sacrifient des milliers de
vierges chaque année, et emmènent leurs esclaves en première ligne
pendant que leurs guerriers sacrés se transforment sous l'effet de
transes en animaux et en bêtes féroces. Ils suivent désormais
Civitavecchia, l'Essence de la Fertilité, la Reine de ce Monde, la
Maîtresse de la Forêt et des Insectes. Ils viennent, cachez-vous.
L'Empire du Milieu : T'ien Ch'i, Eté et Automne. Les nobles, en quête de
gloire, ont fait de T'ien Ch'i une grande nation, emmenant leurs
compatriotes à la conquête du monde. Plus reclus, les Mages de la Voie
apprennent petit à petit tous les secrets de ce monde, et forment les
fameux Guerriers des Cinq Eléments. Ces moines-guerriers servent bien
souvent de force principale, appuyés par les nombreuses troupes
nobiliaires. Wu Min, le Dieu de la Cité et l'Impitoyable Pasteur sert
désormais de divinité tutélaire.
Les citoyens-guerriers : Ermor, la Nouvelle Foi. Peuple polythéiste, les
habitants d'Ermor ont toujours vécu dans leur gigantesque cité, presque
labyrinthique, d'où leurs nombreuses expéditions partent pour conquérir
les régions alentour et les intégrer comme alliés. C'est de là que
viennent les Auxiliaires Lézards. Récemment, la foi dans leurs anciens
dieux a vacillé. Le nouveau culte s'est rapidement mis en place,
beaucoup moins permissif envers les autres, et Ermor se prépare à la
guerre depuis l'arrivée de Silon le Tourmenteur, le Réceptacle de
Puissance, l'Invincible et Toujours Triomphant Prince du Rapprochement.
Fragment n°4 : Les premiers "prophètes", comme les appelent les
peuples concernés, commencent à émerger dans ce monde en crise. Le plus
choquant n'est même pas qu'ils sont déjà trois à se réclamer d'un seul
dieu, mais bien qu'il reste cinq nations en train de les former.
Ehecatl l'espion de Mictlan, Bhiru le commandant gorille de Kailasa et
Acan l'entraîneur de scorpions de Xibalba... Des ennemis assurément
terrifiants.
Et puis, il y a les raclures, ceux qui s'enrichissent sur les cris des
mourants et apportent la désolation sur leur passage. On les appelle
"mercenaires". La première bande d' "aventuriers" à avoir compris le
déclin du monde s'est mise en place spontanément et a été tout aussi
rapidement recrutée par T'ien Ch'i. Simple hasard ? L'avenir nous le
dira.
Le danger est désormais partout, et tout va empirer. J'écris d'une plume tremblante derrière les solides remparts d'Ulm.
Grand Chef est-il l'espoir que j'attends ?
Fragment n°5 : Le charisme et la puissance du Grand Chef lui
valurent d'inspirer la crainte dans le monde et d'apparaître dans la
liste des guerriers les plus redoutés, au milieu des mercenaires, des
grands gérants de province et des commandants d'autres nations.
Parmi ces derniers, on retrouvait Bernard le Brave, mercenaire de son
état, Rimmner le Vanir, hautain et cruel, Caligulux d'Ermor, le
capitaine consciencieux, Earthborn d'Agartha, la mystérieuse créature,
Xeong Yu Sen de T'ien Ch'i, le noble méprisant, Tezcatlipoca de Mictlan,
l'adorateur de démons et les deux larrons Acan et Jacawitz de Xibalba,
prophète et chauve-souris côte-à-côtes. Où étaient les généraux de Yomi
et Kailasa ?
Fragment n°6 : Les premières nations tissèrent des liens,
occasionnant un peu d'ordre dans ce chaos. Mais les plus gros
changements étaient irréversibles : l'ère des cité-états et des
provinces indépendantes était révolue. Les nouvelles grandes nations
décoraient leurs nouvelles cités avec les têtes de leurs adversaires.
Tout ceci était parfaitement visible dans l'évolution du fameux livre
intitulé "Le Livre des Guerriers", aussi appelé le Hall de la Gloire. De
braves commandants de province étaient morts, définitivement rayés, et
les grandes nations avaient vite comblés les rangs laissés vacants par
de puissants guerriers. Les singes aussi, puisque le prophète Bhiru,
gorille de son état, fut cité. Acan de Xibalba avait laissé sa place à
Uyitzin, et Ueuecoyotl rejoignit son collègue de Mictlan.
Mais la palme du guerrier le plus craint de tous les temps revenait au
Vanir Rimmner de Vanheim, talentueux et cruel, talonnant le très fameux
Bernard, capitaine de mercenaires, qui venait de se faire recruter par
Mictlan pour étendre sa domination sanglante sur le monde.
Une ère nouvelle était en train de se jouer.
Fragment n°7 : Ueuecoyotl le cruel, de Mictlan, fut rayé du Livre
des Guerriers. Sa mort montrait que les adorateurs de démons n'étaient
pas tous immortels, chose bonne à savoir pour tous les peuples de ce
monde.
Fragment n°8 : Les derniers grands commandants indépendants de
notre temps étaient éliminés l'un après l'autre. Aimery d'Ermor, nouveau
venu, fut inscrit dans Le Livre des Héros.
Au loin, dans des lieux bien différents des vastes plaines et des hautes
montagnes où se trouvaient les cités-états d'Ulm et d'Ermor, de sombres
puissances s'associaient. Les légions de chauve-souris trinquaient avec
des hommes à plumes dans les crânes de leurs ennemis. Le Dieu Affamé
s'associait ainsi aux puissances du Soleil et de la Lune.
Les hautains Vanirs élevèrent l'un de leurs cavaliers sacrés prophète,
au doux nom de Vanlade. Quant à T'ien Ch'i, leur mysticisme et leur
maîtrise de la magie n'étaient plus à prouver, et ils élevèrent au rang
des prophètes un Maître des Cinq Eléments nommé Lan Yin.
Le nombre des prophètes augmentait ainsi dangereusement. Tous se
réclamait d'UNE religion se prétendant maîtresse des autres. Les peuples
indépendants savaient comment tout cela allait finir et affûtaient
leurs armes désespérément. Ehecatl l'espion de Mictlan, Bhiru le
commandant gorille de Kailasa, Acan l'entraîneur de scorpions de
Xibalba, l'archevêque Protoklitus d'Ermor, l'Ancien Seigneur Stonmined
d'Agartha, et maintenant Vanlade et Lan Yin. Seul Yomi n'avait pas l'air
d'avoir envie de nommer un prophète, et on comprenait bien pourquoi.
Fragment n°9 : Un trône d'ascension entre Ermor et Ulm, un autre
entre T'ien Ch'i et Kailasa. L'équilibre semblait ainsi respecté.
Malheureusement pour les nations civilisées de ce monde, à proximité des
hautes montagnes du centre, les légions de chauve-souris évoluaient
autour de trois de ces mêmes trônes, proliférant sans cesse, et marchant
sur les plates-bandes d'Agartha...
De même, le classement des héros devenait rempli de ces créatures. Leurs
commandants menaient leurs osts dans le monde entier, malgré la mort de
Jacawitz. Xibalba, à n'en pas douter, était la puissance vouée à
submerger le monde...
Fragment n°10 : Deux trônes pris, catastrophe. D'un côté, des
singes, de l'autre, un empire. Chacun clame que son dieu est le
meilleur, je ne crois pas qu'ils vont finir par tomber d'accord. Pire
encore, un accrochage entre des perfides chauves-souris et les hommes
d'Ulm a eu lieu dans un marais pourrissant, d'autant plus maintenant
qu'une cinquantaine d'hommes chauve-souris y sont restés. Et puis, c'est
aussi la fin d'une époque : Bernard le Brave, mercenaire le plus
puissant et le plus décoré de ce monde, a trouvé la mort sous le
commandement des chauves-souris. Paix à son âme aussi noire que le
charbon des forges d'Ulm.
Fragment n°11 : Bernard le Brave était à peine enterré quand
Aimery d'Ermor le rejoignit. Ses fanfaronnades et sa fougue l'ont poussé
vers le décès plus vite qu'il ne le pensait, lui qui était si fier
d'être le premier. Le monde est dangereux.
Fragment n°12 : L'incident du Rivage des Oiseaux... Une bande
d'archers indépendants affiliés à Ermor rentra dans la province,
massacra le gouverneur et planta le drapeau violet d'Ermor, ainsi qu'une
représentation de leur dieu. Ulm pensait conserver cette zone tampon,
mais Ermor avait finalement montré semble t-il son vrai visage de
conquérant. La référence aux guerrières du dernier envoyé impérial avait
mis la puce à l'oreille des "barbares", comme les appelaient les
habitants d'Ermor.
Serait-ce une vengeance, décalée de dizaines d'années ? Ou bien était-ce
juste l'ambition ? Je laisse aux futures générations le soin de
trancher.
Fragment n°13 : T'ien Ch'i et le Trône du Zèle, Ermor et celui de
Glace, Mitclan et celui des Etoiles, Xibalba et celui de la Puissance,
Agartha et celui des Os et puis Kailasa et celui des Bêtes. Tous ces
trônes étaient réclamées par de grandes puissances qui se destinaient à
prendre la place de Pantokrator. Et pourtant, on avait atteint le point
de non-retour : six trônes avaient été capturés, six trônes étaient
encore vacants. Des sources anciennes indiquaient que le rituel de mise
au ciel, utilisée par le Pantokrator chaque fois qu'il redescendait sur
la terre ferme, était un rituel complexe requérant sept des trônes
d'ascension. Si une nouvelle nation prenait un trône encore, cela
signifierait que la guerre était inévitable pour tous, et que le monde
sombrerait dans le chaos...
Fragment n°14 : Chaque nation avait maintenant son propre trône.
Yomi et le Trône de Majesté, Ulm enfin et le Trône de l'Hiver, si
demandé par les pourceaux de Vanheim, prompts à menacer à qui mieux
mieux. Et puis, la guerre arriva, brutale, sans merci. Les armés se
massaient aux frontières, les habitants de Peliwyr tremblaient désormais
à l'évocation de toutes ces grandes nations qui décidaient en ce moment
même de l'avenir du monde.
Le premier à déclarer ouvertement les hostilités, outre les provocations
de Vanheim, fut le peuple des profondeurs, Agartha. Courroucé par la
présence des forces ordonnées de T'ien Ch'i aux frontières, les Anciens
se préparèrent à remonter à la surface. D'un autre côté, Agartha
attisait l'animosité de Vanheim en lui permettant de lui enlever une
autre épine du pied : Kailasa, le peuple des singes et des êtres divins.
Une coalition semblait se dessiner.
Ermor, formellement lié à Ulm, recevait les marchands singes et répondait avec hauteur aux prétentions de Vanheim.
Mitclan et Xibalba, les nations du sang, patientaient en attendant leur
heure. Mais patienteraient-ils longtemps ? Ermor était déjà témoin de
mouvements à ses frontières, tout comme Ulm.
Quant à Yomi, il avait des sympathies marquées pour Vanheim...
Le monde courait à sa fin.
Fragment n°15 : Les barbares s'agitaient à cause du trône de la
guerre. Chaque nation voyait avec effroi une ou plusieurs de leurs
provinces être capturée par des meutes de barbares sans merci,
d'Amazones cruelles ou de guerriers mort-vivants implacables. Pendant ce
temps, dans le Livre des Héros, la mainmise de Xibalba était terminée :
un seul général, le même Acan, y était encore en vie. Quant à T'ien
Ch'i, il tenait cette fois le haut du panier, et même la première place
avec Xeong Yu-Han, talonné par son frère Xeong Yu-Sen et Lan Yin.
Mitclan avait toujours deux commandants présents dans ce livre.
Par ailleurs, des rumeurs faisaient état d'une sorte de coalition entre
Ermor et Ulm. Mais les sources divergeaient grandement sur ce point.
D'autres rumeurs, peut-être plus avérées, faisaient état de coups de
main de la part d'Ulm sur une province de Xibalba. Etait-ce le début
d'une longue guerre ?
Enfin, un des aspirants-dieux lança un sortilège influençant à la fois
l'espace et le temps. C'était l'enchantement le plus ancien de
l'humanité, Mother Oak, et Kailasa était responsable. Un arbre géant
poussa dans ses terres, et la magie qui l'enveloppait facilitait le
travail des mages.
Fragment n°16 : La guerre s'engageait de tout côté. Les écrivains
n'avaient même plus le temps d'écrire quoi que ce soit. Les provinces
étaient prises et reprises à Ulm par les volants ou par les hommes de
métal. Mais l'ouest appartenait aux volants désormais. Quant au sud, il
sombrait dans le chaos. Agartha montrait la puissance des cavernes aux
légions ordonnées de T'ien Ch'i, et ces derniers perdirent la guerre en
plus de l'honneur. Le démoniaque Yomi rejoignit l'alliance des nations
démoniaques et attaqua T'ien Ch'i et Ulm de manière sournoise et
soudaine. Ermor et Ulm se mettaient à élaborer des plans.
Qui peut encore croire que la paix est proche ?
Fragment n°17 : La mort continuait de régner dans ce bas monde,
et Ermor commençait à ressentir les terribles effets de la guerre
lorsque les légions noires envahirent ses propres terres. Le flot des
hommes chauve-souris était incessant. Petit lot de consolation pour Ulm,
dans le Livre des Héros, composé pour cette édition à moitié de
généraux décédés, le second être encore vivant du classement était
Sous-Chef. Plus bas, on retrouvait un de ses fidèles acolytes, le
Guerrier-Forgeron Magma. Mais pouvaient-ils renverser la tendance ?
Fragment n°18 : Les restes des guerriers de T'ien Ch'i, de
Kailasa et d'Agartha pourrissaient encore dans les versants ensoleillés
des hautes montagnes, dans les caves humides et au fond du lac quand se
décida la paix, ramenant commerce et prospérité. C'est ce qu'ils
voulaient en tout cas nous faire croire.
De l'autre côté, au-delà des plaines, le choc d'Ermor contre Mitclan et
Xibalba était toujours aussi violent. Ulm, les tenaces, avaient fini par
jeter l'éponge. Cela ne les empêche pas de regrouper quatre des plus
grands guerriers de notre temps, encore vivants contrairement à bien
d'autres : Pierre, Magma, Obsidienne et le bien connu Sous-Chef, traître
pour les uns, héros pour les autres, en tous les cas puissant
commandant.
Xibalba parlait d'une paix éternelle. Quant à moi, simple chroniqueur, je parlerais plutôt d'une naïveté éternelle.
Fragment n°19 - Lettre à Agartha :
Agartha, république du dessous, puissance cavernicole montante à la
puissance aussi terrible que le roc, il se peut que je vienne vous
visiter. Sous une forme ou une autre. Je suis déjà venu, et mon retour
est imminent. La mort nous attend bientôt, les derniers voyages de
formation sont toujours bons à prendre. Si un individu étrange
s'approche un jour de vos portes en portant le manuscrit intégral des
Chroniques, scellées par un sceau magique datant du grand Pantokrator,
alors si votre but est de m'accorder un sauf-conduit, il faudra laisser
rentrer cet individu. Vos magnifiques cavernes sont une des dernières
choses que j'admire encore dans ce monde où baignent dans le sang tant
d'êtres vivants.
Amitiés,
Chroniqueur Sparke
Fragment n°20 : L'Histoire est faite pour traiter du passé, des
actions des hommes et d'apprendre pour l'avenir. Mes Chroniques ont
toujours eu ce but d'instruire. Mais je crains que le monde soit
définitivement passé à autre chose. Les légions noires ont révélé leur
vraie nature l'autre jour. Un éclair sanglant a déchiré le ciel, et un
cri strident insupportable, suivi d'innombrables plaintes en a résulté.
Des vies ont brûlé dans les flammes de l'immondice, leur sang plongé
dans un gigantesque réservoir de malice dont seul Xibalba a le
démoniaque secret. Ce rituel, appelé le Vortex du Sang, est la porte
ouverte au plan démoniaque, l'Enfer Rouge, Noir et Vil.
Des légions de démons vont déferler sur notre monde déjà troublé. Les
nations peureuses, les nations vigoureuses, celles qui ne se lèvent pas
pour autrui, celles qui le font, toutes ces nations vont être balayées
par le "puit de science" qu'est Xibalba. La science de la destruction et
de la mort. L'Histoire est rattrapée, et de quelle manière, par le
présent.
Mais quittons ces digressions. Ermor continue vaillamment de résister,
malgré l'évidente faiblesse de ses moyens. L'asservissement est contre
leur nature. A Ulm, les tribulations politiques continuent d'opposer
Pierre et Sous Chef sur la conduite politique de cette nation. Se réunir
en une ville ne résout pas tous les problèmes. Des nouvelles viennent
de Vanheim, annonçant de terribles changements dans la politique du
royaume. Agartha demande conseil à Ulm : en tant que puissance encore
importante et peu touchée par la guerre, elle recherche à n'en pas
douter des attaches diplomatiques et politiques pour la grande guerre
qui vient. Le monde des singes est toujours aussi foisonnant de
marchands itinérants. Les démons des montagnes se font plus discrets que
jamais. Mitclan sacrifie en silence. Et ne parlons pas de Xibalba. Que
fait l'Empire de T'ien Ch'i ?
Reste une question : quand la Grande Guerre finale va t-elle commencer ?
Fragment n°21 : Les mots creux et vides de Mitclan, à peine
menaçant, tombaient dans les oreilles affutées des légions noires, qui
s'empressèrent de proposer la part du lion à Mitclan de leur vortex
démoniaque : cette part se composait d'hommes et de femmes d'Ermor ou
d'une autre région civilisée du monde, dont la destinée était de finir
desséchés au fond de cavernes impies ou au coeur de jungles luxuriantes,
pour que de cruels démons utilisent leur corps comme des jouets.
L'alliance de la terreur en sortait presque renforcée.
Quant à Vanheim, il sortait de sa torpeur léthargique pour se mettre à
traiter avec plus grand que lui, à menacer Ermor l'affaiblie, à traiter
avec les singes et à vouloir une association avec la puissance montante
Agartha.
Ermor se faisait un nouvel ennemi, dans sa lutte ardente pour la survie.
Mais quid des relations Ermor-Mitclan ? Des relations Ermor-Xibalba ?
Les spéculations étaient nombreuses ici bas. Notamment sur la nation
bien silencieuse de Yomi, et de ses démons des montagnes. Aucune trace
écrite, si tant est qu'ils maîtrisent l'écriture, et aucune trace
diplomatique. Vivent-ils encore ?
T'ien Ch'i et Agartha, autrefois deux rivaux terribles, passèrent à une
nouvelle phase diplomatique. Une nation semblait dépecée entre ces deux
mastodontes. Quant à savoir de laquelle il s'agissait, mon lectorat
avisé s'en doutera. Agartha commençait à jouer un rôle international,
mais encore trop tortueux.
La lutte divine continuait ainsi, de rebondissements en rebondissements.
Fragment n°22 : La nation de Yomi avait disparu, et ses cruels
démons étaient retournés d'où ils venaient. T'ien Ch'i et Agartha
s'élevaient triomphants face à ce peuple vaincu.
De l'autre côté du monde, dans les vastes plaines, Ermor était défait,
une nouvelle fois, une ultime fois, qui sait ? Mitclan et Xibalba
avaient prélevé leur tribut chez ce peuple, et triomphaient de manière
pompeuse en exhibant les cadavres et en les précipitant dans des
maelstroms de haines et de violence.
Dans les montagnes, le peuple d'Ulm était affaibli, replié sur lui-même, et le Veilleur préparait sa propre mort avec soin.
Que restait-il désormais dans ce monde ? Les guerriers Vanirs enfermés
entre leurs murs ? Les hordes métalliques de T'ien Ch'i ? Les soldats
des cavernes d'Agartha ? Les hommes volants de Xibalba ? Les guerriers
singes de Kailasa ? Les hordes sanglantes de Mitclan ? Si les alliances
formelles ou informelles entre T'ien Ch'i et Agartha, et entre Xibalba
et Mitclan avaient tenu bon, que se passera t-il bientôt ?
Il me tarde de voir ce monde être englouti dans l'ultime lutte qui
décidera du sort des Fanatiques. Dans ce que j'appelle désormais cette
Querelle des Fanatiques.
Fragment n°23 - L'Arrivée du Chroniqueur
: Un inconnu en haillons se pressa aux portes de la fière forteresse
agarthéenne. Rien ne dépassait de ses loques, excepté un livre
volumineux, et brillant d'une lueur éthérée que seuls les êtres
d'exception pouvaient déchiffrer. Et si êtres d'exception il y avait,
ils sauraient lire le titre Chroniques.
Il contempla les murailles cyclopéennes un court instant. Mais comment
parler de contemplation sans yeux, sans bouche, sans lueur : le visage
qui transparaissait sous la capuche n'en était pas un. Seule l'obscurité
avait cours sous ces loques. Une obscurité insondable semblait s'être
emparé de cet être, comme recouvert de haillons couleur boue pour mieux
contenir son néant.
Un bruit inimitable surgit de cette créature, et il tomba à genoux. Son
livre brilla d'une lueur rougeâtre, puis tout disparut. La forteresse,
les hommes, les monstres, les montagnes, les insectes, l'herbe, la vie.
Tout réapparut en moins d'un milliardième de secondes. Le contenu des
événements de ce monde venait d'être transféré dans les Chroniques de la
plus obscure des façons. Mais si cet insondable néant avait eu lieu
dans un laps de temps aussi long, c'était pour prévenir les nations de
ce monde, et plus particulièrement les mages, sensibles à l'écoulement
du temps que le néant était apparut, que le néant arrivait.
L'inconnu continua sa "marche" : ses chausses glissaient sur le sol sans
toucher un seul grain d'herbe, sans bousculer la moindre fleur, sans
émettre le moindre tremblement. Et il arriva aux portes. Le garde qui le
toisa contempla d'un air profond le livre énorme. Il s'agissait d'un
Efrit, guerrier de la mort. Il reconnut le Néant de l'être, et sans vie,
quelle raison un guerrier de la mort pouvait-il trouver pour arrêter ce
qui n'existait pas ? Mais l'Efrit avait été prévenu par Onyx, le
Passeur, surnommé dans de lointaines contrées le "Boucher d'Agartha". Il
indiqua d'un geste lointain sa demeure, et sans aucun hochement de
tête, la créature du néant passa près de la créature de la mort.
Il finit par trouver ce lieu, et tout doucement, il relâcha quelques
parcelles d'énergie pour prévenir les prêtres et mages qu'il était ici.
Il ne voulait pas paraître impoli. Il entra, et croisa le regard des
aveugles et des voyants. Une voix résonna dans les têtes des créatures
vivantes de la pièce.
"Onyx,
Ce n'est qu'avec retard que j'ai répondu à votre offre de visite des
merveilles agarthéennes. D'obscurs êtres me tenaient éloignés de la
lumière.
Me voici donc. Je suis Chroniqueur Sparke, la créature à écriture
humaine. Je suis là pour observer le néant de ce monde, et pour
contempler sa destruction.
Le bouleversement que je vous ai fait ressentir à l'instant était une
indication, et une marque de respect. Vos actions ont...bouleversé
l'enchaînement des causes. Ces attaques...admirables forcent
l'admiration. Me voici dès lors, à vos côtés, pour observer
l'enchaînement inéluctable. Ne me décevez pas Onyx."
Sans aucun bruissement de tissu d'aucune sorte, la forme sombre
s'accroupit, et le livre brilla avant d'ouvrir ses larges pages. Mais
les aveugles Agarthéens ne pouvaient que deviner l’action en cours. Ce
qu’ils ne pouvaient deviner, ce fut le flot débordant d’images claires
et distinctes de soldats d’Agartha, d’Ufrits, d’Umbrals, et le flot de
sang qui s’écoulait des champs de bataille qui apparut dans leurs
esprits aussi distinctement que s'ils avaient vécu eux-même ces
événements. Le cri des hommes-jaguars, le hululement sordide des hommes
chauve-souris, le mystère nimbant les guerriers Vanirs, et toujours ce
flot de sang, ces meurtres, cette mort.
Le chroniqueur secoua son corps, ce qui s’apparentait à un rire pour les
aveugles, et à quelque chose de terrifiant pour les voyants.
« Alors dites-moi Onyx : où allons-nous ? »
Fragment n°24 - Agartha dispose
: Dans la discrétion la plus absolue, au sein de ce "vénérable"
conseil, le Chroniqueur laissa ses Chroniques se compléter au fur et à
mesure. Les êtres vivants étaient si intéressants à étudier :
"Agartha, la nation montante, la formatrice de la coalition qui avait
résulté en la destruction pleine et entière des terribles démons de la
montagne de Yomi, Argartha avait roulé l'ensemble des nations de ce
monde. Ces créatures souterraines étaient peut-être aveugles, mais leurs
visions stratégiques avaient dépassé toutes les espérances.
Pendant que Xibalba mettait le monde à feu et à sang, que Mitclan se
repliait en laissant des guerriers-jaguars dans son sillage, que Kailasa
disparaissait dans les flammes de la guerre, qu'Ulm se maintenait
solidement dans ses frontières, qu'Ermor résistait tant qu'il pouvait au
saccage de son territoire et que T'ien Ch'i s'étendait, Agartha avait
tissé de profondes toiles dans l'ombre.
Et ces toiles avaient finalement convergé vers quatre points
insoupçonnés : quatre trônes d'ascension, autant qu'il en fallait pour
mener Agartha à la victoire. L'allié de toujours, T'ien Ch'i, avait
lui-même perdu sa province. Comment allait-il réagir face à ce
retournement littéral ?
Mieux, comment les nations de ce monde allaient-elles réagir face à tout
cela ? Votre humble chroniqueur se doute de la réponse : une
convergence militaire de niveau global pour empêcher la nation d'Agartha
d'effacer le monde dans une même lumière. Et s'ils ne le font pas ?
Alors le Néant seul sait ce qui arrivera."
Tous les exemplaires des Chroniques du monde de Peliwyr brillèrent, et
les lettres d'or précédentes apparurent. Tout cela de manière
insoupçonnée, pendant que l'être en haillons contemplait la scène qui se
jouait sous ses yeux entre Onyx et ses invités. Si des adorateurs du
néant s'étaient trouvé dans la salle, le bruissement étonnamment léger
du corps se serait transformé en rire de la pire espèce. Mais dans une
pièce peuplée de vivants et d'adorateurs de la mort, tout cela restait
de l'ordre du micro-détail.
Fragment n°25 - La Fin des Temps (partie 1)
: Le Chroniqueur se leva soudain pendant une phrase d'Onyx et
s'approcha de lui. Le Passeur des Morts agarthéens se retourna, comme
saisi d'une intuition, mais ce fut trop tard. Son corps reçut les
visions en cascade des assauts de Xibalba et du sang dégoulinant des
marches de trois des trônes capturés. Il pouvait lire la surprise et la
souffrance de ses troupes, la malignité et la cruauté des troupes
adverses. Et il eut une vision : celle d'une plongée totale dans le
néant, d'une submersion dans un océan d'obscurité, et la présence d'une
lumière impossible à identifier disant "Je suis Pantokrator désormais.
Tremple passeur de la mort." Et tout s'arrêta.
Une fois remis de ses émotions, en se demandant qui sera ce dieu de
lumière, Onyx contempla le Chroniqueur, qui se contenta de trembler dans
son être, l'équivalent d'un rictus chez l'homme lambda :
"Alors dites-moi, Onyx, où allons-nous ? Répéta t-il pour la deuxième fois"
Alentour, personne n'avait compris cet échange. Ou presque. Il était temps pour Onyx de rendre des comptes.
"Finement joué, le plan d'Agartha. Hélas, c'était sans compter les
techniques de manoeuvre extrêmement élaborées de Xibalba qui avaient
sonné le glas de tant de nations, dont le nom aurait autrement pu
résonner dans nos Chroniques : Ulm, Ermor, Kailasa. Agartha venait de se
mettre dans un péril extraordinaire, non seulement pour lui-même, mais
pour le monde tout entier. Xibalba avait finalement pris la haute-main.
Cette Querelle des Fanatiques joue son dernier acte.
Peuples du monde, préparez-vous à l'extinction, au désastre, aux
cataclysmes : car un Pantokrator n'a besoin que d'un peuple dans son
monde idéal. Tremblez tous.
Veilleur d'Ulm, tu es tout ce qui reste de l'héritage de l'ancien
Pantokrator : regarde désormais de tes propres yeux ce qui attend le
monde, et rappelle toi de tes actions passées. Tremble toi-aussi en
contemplant d'un autre oeil ce que tu as accompli pour l'ancien
Pantokrator. Et prie pour que celui-ci te fasse mourir tout de suite.
Onyx le Noir, le Passeur des Morts, a fait trembler le monde, ainsi que
ces Chroniques. Son nom sera passé aux générations suivantes, aux futurs
mondes qui attendent dans le néant ; qu'il en soit instruit. Et
espérons que le prochain Pantokrator, maître de la vie et de la mort,
soit miséricordieux.
Aurais-je le temps, dans ce monde-ci, de rédiger la suite de mes
Chroniques ? Nous verrons. Les nations de ce monde sont-elles prêtes ?
Nous verrons. Qui vaincra, si ce n'est Xibalba ? Nous verrons."
Fragment n°26 - La Fin des Temps (partie 2)
: Jusqu'à la fin, Onyx n'osa pas répondre à la question du Chroniqueur.
Peu lui importait qu'il libère qui que ce soit. Le Chroniquer jeta
délibérément le morceau de papier sur le sol que lui avait tendu la
jeune Impératrice. Avant que son garde ne bouge, le Chroniqueur sortit
comme une ombre dans la ville pour contempler ce que tous les
non-Agarthéens voyaient en ce moment avec effroi et terreur. Des rais de
lumière aussi concentrés que le soleil même s'élançaient de par le
monde pour converger en un point. Un Pantokrator naissait, un monde
périssait.
"Les humains hurlaient, les habitants d'Ulm se mirent à genoux et
attendirent la destruction, les singes de Kailasa se tapirent au plus
profond de la forêt, les guerriers d'Ermor tendirent un point rageur
vers le ciel, les habitants de T'ien Ch'i prièrent leur dieu, les démons
survivants de Yomi s'évaporèrent, les Vanirs s'évanouirent dans la
nature, les sacrificateurs de Mitclan se sacrifièrent entre eux.
Finalement, Xibalba exultait et découvrait la vraie puissance. Le
Pantokrator Findus commença par balayer tous les peuples de la surface
du monde, enferma le fidèle Lieutenant de l'ancien Pantokrator, le
Veilleur, où il le soumit à mille tourments. Ceci fait, il modela la
surface du monde à sa manière et hurla : le monde appartenait à Xibalba.
Les humains restants furent vite capturés par des formes ailées. Ceux
qui ne s'étaient pas donnés la mort à Ermor, à Ulm, à T'ien Ch'i ou
ailleurs furent détruits ou capturés. Pour l'éternité, les captifs et
leur descendance seront sacrifiés en l'honneur de Findus.
Le Pantokrator Findus avait apporté l'anéantissement et la puissance aux
légions noires. Le Pantokrator avait créé son propre Panthéon. Aucune
nation n'avait pu rivaliser avec leurs hordes noires. Qu'il en soit
ainsi.
La question que vous vous posez, bien sûr, cher lecteur des Chroniques
Intemporelles du monde appelé Terre, c'est si Findus allait durer. Je
vous aurais volontiers dit oui. Mais la petite lumière au fond de
l'univers attire plus d'un Pantokrator. Findus allait-il finir par
chercher ce qu'il y avait là-haut, dans l'immensité galactique ? Nul ne
le savait encore.
Chroniqueur Sparke
Chroniques de Peliwyr, FIN."
Fragment caché :
Il restait un endroit à visiter : les geôles immondes du dieu des dieux.
Représentant du Néant, le Chroniqueur présentait à la fois toutes les
menaces, et aucune menace. Sans pouvoir être arrêté, il se mit en tête
de rencontrer Pantokrator. Findus, contrit de voir cet être lui tendre
des Chroniques qu'il ne lirait point, et sans pouvoir le détruire avec
ses nouvelles compétences, l'autorisa par dépit à rencontrer le
Veilleur, tandis qu'il sentait encore le fumet des sacrifices humains
quotidiens.
Au plus profonde de Peliwyr, l'être pitoyable, torturé continuellement
depuis cinq ans, était là, en loques, en larmes. Même un ancien dieu a
ses limites.
"Chroo-niqueur...Tu es venu...terminer mon histoire ? Dit-il de sa voix geignarde et faible"
Le Chroniqueur ne répondit pas, et se pointa de sa manche. Le Veilleur blêmit.
"Il n'est pas temps, Chroniqueur, il n'est pas temps.
- Vous avez eu plus que votre part de Temps dans ce monde, prononça
d'une voix sourde le Chroniqueur, et le Temps n'est pas mon affaire.
- Je peux encore devenir le Pantokrator, je ne suis pas un dieu de pacot...
- Vous devez rejoindre Indicible, et les autres prétendants divins de ce
monde qui n'existe plus. C'est le cruel destin de ceux qui ont tenté un
jour l'ascension, et qui ont échoué. Le plongeon dans le néant.
Peut-être en ressortirez-vous un jour. Peut-être non."
L'oeil du Veilleur s'enflamma :
"Pourquoi m'avoir fait attendre alors ?
- Parce que plus grande est la chute, plus ce que je fais a du sens."
Ce fut tout ce que Le Veilleur entendit. Car il n'entendit plus. Il ne
vit plus. Il ne sentit plus. Il n'était plus. Et le Chroniqueur le
rejoignit, en envoyant ses pensées une dernière fois dans une autre
dimension qui n'était pas celle de la Mort, ni celle du Néant, et qui
faisait partie du Tout qu'on appelait Temps :
"Le Temps n'a pas d'emprise sur le Néant. Espère, Onyx le Noir, dans la
dimension où tu t'es cachée, que les milliers de millénaires qui
passeront te seront doux. Dans le cas contraire, ce sera la folie que je
rencontrerai la prochaine fois."
Il disparut.
Et Peliwyr devint Xibalba.