Les
tribus se battaient depuis des siècles entre elles. Piller son
voisin, détruire son voisin, voilà tout le bien qu'il y avait à
appartenir à ce qu'on allait appeler bientôt Ulm. Le mode
d'organisation tribal était simple : le shaman réglait les
questions spirituelles, le guerrier-forgeron les questions
judiciaires et le chef de clan les questions militaires. De temps en
temps, un individu exceptionnellement bon spirituellement se
retrouvait à la tête du camp : on l'appelait le Shaman Cornu par
respect et par égard pour son casque.
Ces tribus tenaient sous leur coupe des dizaines d'hommes et de femmes. Les mères portaient l'arc, les enfants subissaient une initiation dans la nature en plein hiver et les hommes étaient des guerriers à des degrés hiérarchiques divers. On pouvait parler d'eux comme des barbares. Mais il étaient avant tout des hommes. Et des hommes ne venait que la guerre.
Les Shamans Cornus repérèrent il y a quelque temps une perturbation spirituelle de grande ampleur. Le dieu qu'on appelait Pantokrator avait disparu. Ce vide avait été comblé par une dizaine de prétendants à la divinité, menant des peuples de géants, de créatures faites de terre ou de chair, venant des tréfonds des cavernes ou de la terre ferme. Ces visions de peuples apportant désolation et mort au monde qui s'embrasait d'une flamme de fanatiques emplit les shamans d'inquiétude. Que faire pour leurs tribus ? Les Shamans Cornus se contactèrent spirituellement, et se mirent d'accord sur un grand projet d'union. A n'en pas douter, toutes les tribus ne répondront pas à l'appel. Qu'importe, les chefs spirituels tribaux furent appelés à se rendre avec toute leur tribu dans un espace ouvert à la discussion.
De très nombreuses tribus s'y rendirent. Le ton apocalyptique des shamans n'y était pas pour rien. Et finalement, on y était. Pendant que tous vaquaient à leurs occupations en étant sur leur garde, tous les chefs s'assirent autour d'un totem de grande dimension. Ici, un dieu en devenir était enfermé, annoncèrent les Shamans Cornus. Mais seule l'intervention de tous les shamans pourrait le réveiller. Pendant que les Shamans Cornus méditaient sur la bêtise de la race humaine, les chefs parlèrent, un jour, puis deux, puis trois.
L'un d'eux, particulièrement sage, se leva soudain :
"Du haut de nos montagnes adorées, ma tribu et moi avons observé des flammes brûlantes s'élever jusqu'au ciel, des cités bâties, des terrains remodelés, et dedans grouillaient la plus terrible engeance que vous n'avez jamais vu. Vous ne croiriez pas mes éclaireurs s'ils vous disaient tout ce qu'ils avaient vu. "Xibalba", car c'est tout ce qu'a pu dire la créature que nous avons ramené, désigne ces chauve-souris de taille humaine et qui volent, et qui pillent, et qui tuent. Elles se terrent dans leurs cavernes, mais nul doute qu'elles en sortiront un jour pour nous précipiter dans les ténèbres."
Un autre se leva :
"Près d'une forêt sacrée, j'ai observé les mouvements d'hommes coiffés de plumes. Ils tiraient derrière eux des femmes hurlantes et jeunes. Elles auraient pu devenir comme par chez nous de puissantes guerrières, mais elles furent égorgées comme des animaux sur le parvis d'un temple au milieu des ovations de ces hommes qui voyaient les leurs se transformer en bêtes, en hurlant "Mictlan". "
D'autres témoignages s'enchaînèrent :
"Après un raid réussi sur une petite ville, nous nous sommes cachés, attendant une nouvelle occasion pour piller le reste. Et nous les vîmes. Ou plutôt, nous les devinâmes. A chaque battement de cil, ils disparaissaient et reparaissaient. On aurait dit des fantômes. Et pourtant, ce n'en était pas. Ils massacrèrent toute la population de la ville en une fraction de secondes, hissèrent leur drapeau, et firent une ovation à "Vanheim", peut-être un de leur dieu, peut-être leur nom."
"Les monstruosités des cavernes... Elles sont là, tapies dans l'ombre. Nous avons regretté d'avoir enfoui notre butin ici. Quand nous sommes arrivés le récupérer, ces créatures grouillaient partout, comme des vers de terre géants marchant sur deux jambes et tenant des armes en fer dans leur main. J'ai pu m'en sortir vivant, mais la moitié des guerriers de ma tribu y sont passés."
"En rase campagne, j'ai vu des légions de singes se précipiter sur des hommes en uniforme. Jetant des cailloux et recevant des flèches, les singes avaient à leur disposition des géants presque nus qui dansaient. Oui, dansaient sur le champ de bataille. Et leur danse macabre apportait la désolation dans le camp adverse. Mais ils étaient trop structurés pour jeter l'éponge. Malgré les pertes, ils tinrent leur position. Et ce fut tout, ils se séparèrent."
"Au fond d'une montagne, j'ai vu des êtres maléfiques hululer de façon grotesque accueillant les hommes mauvais, nos bannis et d'autres monstruosités. Des messagers nous sont parvenus nous disant que Yomi accueillait tous les déserteurs et les bandits."
Entendant tout cela, les Shamans Cornus rejoignirent la conversation.
"Xibalba, Mictlan, Vanheim... Les noms ne sont pas importants. Agartha, Kailasa, T'ien Chi, Yomi... Les noms sont malfaisants. Et nous, fier peuple, que devons-nous faire ?"
Les chefs se levèrent d'un seul homme et firent sans attendre un serment d’allégeance. Les Shamans Cornus s'approchèrent du totem.
"Là-dedans sommeille un dieu. Pourra t-il mener un peuple entier à la victoire ?"
Les chefs acquiescèrent et rejoignirent leurs tribus respectives. Il était temps de bâtir une cité, et des murs épais, en hommage à cette alliance et contre les monstruosités du dehors. Les Shamans commencèrent le rituel d'invocation.
Les hommes avaient une terre. Et elle s'appelait désormais "Ulm".
La lutte pour la divinité avait commencé...
Ces tribus tenaient sous leur coupe des dizaines d'hommes et de femmes. Les mères portaient l'arc, les enfants subissaient une initiation dans la nature en plein hiver et les hommes étaient des guerriers à des degrés hiérarchiques divers. On pouvait parler d'eux comme des barbares. Mais il étaient avant tout des hommes. Et des hommes ne venait que la guerre.
Les Shamans Cornus repérèrent il y a quelque temps une perturbation spirituelle de grande ampleur. Le dieu qu'on appelait Pantokrator avait disparu. Ce vide avait été comblé par une dizaine de prétendants à la divinité, menant des peuples de géants, de créatures faites de terre ou de chair, venant des tréfonds des cavernes ou de la terre ferme. Ces visions de peuples apportant désolation et mort au monde qui s'embrasait d'une flamme de fanatiques emplit les shamans d'inquiétude. Que faire pour leurs tribus ? Les Shamans Cornus se contactèrent spirituellement, et se mirent d'accord sur un grand projet d'union. A n'en pas douter, toutes les tribus ne répondront pas à l'appel. Qu'importe, les chefs spirituels tribaux furent appelés à se rendre avec toute leur tribu dans un espace ouvert à la discussion.
De très nombreuses tribus s'y rendirent. Le ton apocalyptique des shamans n'y était pas pour rien. Et finalement, on y était. Pendant que tous vaquaient à leurs occupations en étant sur leur garde, tous les chefs s'assirent autour d'un totem de grande dimension. Ici, un dieu en devenir était enfermé, annoncèrent les Shamans Cornus. Mais seule l'intervention de tous les shamans pourrait le réveiller. Pendant que les Shamans Cornus méditaient sur la bêtise de la race humaine, les chefs parlèrent, un jour, puis deux, puis trois.
L'un d'eux, particulièrement sage, se leva soudain :
"Du haut de nos montagnes adorées, ma tribu et moi avons observé des flammes brûlantes s'élever jusqu'au ciel, des cités bâties, des terrains remodelés, et dedans grouillaient la plus terrible engeance que vous n'avez jamais vu. Vous ne croiriez pas mes éclaireurs s'ils vous disaient tout ce qu'ils avaient vu. "Xibalba", car c'est tout ce qu'a pu dire la créature que nous avons ramené, désigne ces chauve-souris de taille humaine et qui volent, et qui pillent, et qui tuent. Elles se terrent dans leurs cavernes, mais nul doute qu'elles en sortiront un jour pour nous précipiter dans les ténèbres."
Un autre se leva :
"Près d'une forêt sacrée, j'ai observé les mouvements d'hommes coiffés de plumes. Ils tiraient derrière eux des femmes hurlantes et jeunes. Elles auraient pu devenir comme par chez nous de puissantes guerrières, mais elles furent égorgées comme des animaux sur le parvis d'un temple au milieu des ovations de ces hommes qui voyaient les leurs se transformer en bêtes, en hurlant "Mictlan". "
D'autres témoignages s'enchaînèrent :
"Après un raid réussi sur une petite ville, nous nous sommes cachés, attendant une nouvelle occasion pour piller le reste. Et nous les vîmes. Ou plutôt, nous les devinâmes. A chaque battement de cil, ils disparaissaient et reparaissaient. On aurait dit des fantômes. Et pourtant, ce n'en était pas. Ils massacrèrent toute la population de la ville en une fraction de secondes, hissèrent leur drapeau, et firent une ovation à "Vanheim", peut-être un de leur dieu, peut-être leur nom."
"Les monstruosités des cavernes... Elles sont là, tapies dans l'ombre. Nous avons regretté d'avoir enfoui notre butin ici. Quand nous sommes arrivés le récupérer, ces créatures grouillaient partout, comme des vers de terre géants marchant sur deux jambes et tenant des armes en fer dans leur main. J'ai pu m'en sortir vivant, mais la moitié des guerriers de ma tribu y sont passés."
"En rase campagne, j'ai vu des légions de singes se précipiter sur des hommes en uniforme. Jetant des cailloux et recevant des flèches, les singes avaient à leur disposition des géants presque nus qui dansaient. Oui, dansaient sur le champ de bataille. Et leur danse macabre apportait la désolation dans le camp adverse. Mais ils étaient trop structurés pour jeter l'éponge. Malgré les pertes, ils tinrent leur position. Et ce fut tout, ils se séparèrent."
"Au fond d'une montagne, j'ai vu des êtres maléfiques hululer de façon grotesque accueillant les hommes mauvais, nos bannis et d'autres monstruosités. Des messagers nous sont parvenus nous disant que Yomi accueillait tous les déserteurs et les bandits."
Entendant tout cela, les Shamans Cornus rejoignirent la conversation.
"Xibalba, Mictlan, Vanheim... Les noms ne sont pas importants. Agartha, Kailasa, T'ien Chi, Yomi... Les noms sont malfaisants. Et nous, fier peuple, que devons-nous faire ?"
Les chefs se levèrent d'un seul homme et firent sans attendre un serment d’allégeance. Les Shamans Cornus s'approchèrent du totem.
"Là-dedans sommeille un dieu. Pourra t-il mener un peuple entier à la victoire ?"
Les chefs acquiescèrent et rejoignirent leurs tribus respectives. Il était temps de bâtir une cité, et des murs épais, en hommage à cette alliance et contre les monstruosités du dehors. Les Shamans commencèrent le rituel d'invocation.
Les hommes avaient une terre. Et elle s'appelait désormais "Ulm".
La lutte pour la divinité avait commencé...
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