dimanche 23 avril 2017

Critique n°44 : Ghost in the Shell, le retour du cyberpunk japonais

Ca fait bien longtemps qu’on ne s’est pas permis une petite critique cinématographique. Alors laissons-nous aller avec ce film, paru le 29 mars 2017 en France et réalisé par Rupert Sanders, et reprenant un manga iconique du cyberpunk, où sont posées toutes les questions liées à l’humain augmenté : la place de la conscience, de la machine, de l’augmentation, de la morale ou de l’éthique derrière l’amélioration, de la déshumanisation, et de la question primordiale qui est de savoir si dans un corps cybernétique peut subsister ou se former un ghost, un esprit, une âme.
 
Scarlett pour jouer un agent japonais, certains crient au scandale.

I. Les origines du film

Le manga de Masamune Shirow développait toutes ces questions dans les années 90, à travers les bottes (augmentées) du major Kusanagi, soldat d’élite de la Section 9 et devant s’occuper des affaires de terrorisme, dans un monde où il est possible de pirater une conscience, de voler une mémoire, ou de faire un transfert physique de cerveau. Pas un monde très gai, comme la plupart des mondes cyberpunk. Ce genre de monde se caractérise comme un genre de la science-fiction, dans un monde proche du nôtre mais un peu plus avancé technologiquement, où cohabitent machines et sociétés dyspotiques, et qui présentent généralement les travers de la technologie. 
 
Le film de 2017 est plus "puritain" que celui de 1995.

Le manga a eu une vraie résonance avec la sortie en 1995 de son premier film animé. S’en sont ensuivis deux autres films, trois séries animées, quelques jeux vidéos, jusqu’à arriver au film dont on traite, et qui reprend grosso modo l’intrigue du film de 1995, avec quelques clins d’œil dans le film. Il est donc évident que si vous connaissez le manga et l’animé, vous risquez d’avoir peur en imaginant un film avec tous ces éléments. On va voir ça.

II. Un espace cyberpunk assumé


Reprenant l’architecture tentaculaire des villes du manga, un vrai travail a été porté sur la réalisation du film et sur ses effets spéciaux. Des hauteurs d’une ville gigantesque, jusqu’aux bas-fonds où cohabitent drogués de l’information et cadavres, on se retrouve bel et bien dans un monde unique, avec ses publicités et ses images 3D emplissant l’espace public, ses rues pleines de couleurs et de lumières, ses quartiers pauvres tout gris, et les bureaux de scientifiques (fous) toujours aussi science-fiction. Le tout fait un peu collection de scènes différentes, heureusement unies par l’intrigue et par une certaine logique faisant cohabiter ces espaces. 


A l’intérieur de ceux-ci, on se retrouve au sein de la Section 9, avec des personnages majoritairement occidentaux, ce qui a pu faire couler beaucoup d’encre dans une intrigue censée se dérouler au Japon, dans une section d’élite du Ministère de la défense japonais. Toutefois, on peut considérer que dans une société multiculturelle où n’importe quel être humain peut changer son enveloppe corporelle s’il en a les moyens ou la nécessité, ce n’est pas extrêmement grave, d’autant plus que le patron et quelques agents le sont tout à fait, les rendant d’ailleurs plus humains que les augmentés. Le patron se paye même un doublage entièrement en japonais. Une objection qui n’a donc pas forcément cours. 
 
C'est quand même pas mal.

III. Qu’est-ce qu’un être humain ?

A la tête de cette section, le major Kusanagi, planté par Scarlett Johansson, se retrouve impliquée dans une affaire de terrorisme qui va l’impliquer davantage qu’elle ne le pensait de prime abord. Le film n’est pas manichéen, et le monde est loin d’être doré, et c’est quelque chose qui transparait du film comme du manga original. Le film est dense, bourrés de scènes d’action bien chorégraphiées, mais aussi de moments remplis de malaise lorsqu’on découvre ce que signifie un monde où l’être humain peut être augmenté. Cette déshumanisation, portée dans le regard un peu trop froid du major sur les choses, et transposée dans les différents éléments de l’histoire, porte la question de ce qui définit un être humain durant tout le film, questionnement que je ne pensais pas avoir dans un live-action d’un manga, et qui a été une excellente surprise. 
 
Plusieurs scènes de ce genre sont à attendre dans ce genre de monde.

Loin d’être un simple film d’action, le terrorisme cybernétique, le rôle des grandes industries, la place du passé, de la mémoire, de l’âme, tout est posé avec un rythme intense, densifiant le film, et se rapprochant ainsi beaucoup de l’œuvre originale, tout en contournant assez habilement le chemin classique de l’histoire dans un dénouement finalement pas totalement nihiliste comme pouvait être celui du film original. Le tout est évidemment porté par une musique typée de science-fiction, avec beaucoup d’électro et de musique d’ambiance, et qui porte bien le film, même si on aurait préféré un peu plus de Kenji Kawai, le faiseur de musiques du premier film, qui mélangeait allègrement chants traditionnels et musique symphonique. Un hommage lui est d’ailleurs rendu dans les crédits : le réalisateur sait d’où il est parti. 
 
Dream team ?
 
Conclusion

Je m’attendais à un échec patent, j’en ressors avec un bilan largement positif, contrairement à ce que j’ai pu lire ça-et-là sur la toile. Toutes les questions posées par le manga sont là, le film avance vite, est aussi dense que le film de 1995 (en deux fois moins long), comporte beaucoup de scènes d’action nous rappelant que nous sommes dans une section des forces spéciales, et a un univers bien à lui. Le scénario bondit sans discontinuer. On peut se plaindre du casting occidentalisé, mais lorsque les critiques s’attardent sur des points stupides de détail, comme les coupes de cheveux ou le besoin d’assentiment à la fin du film du chef de la section (qui s’explique dans un service où l’affaire est portée largement par le major), on se demande si elles sont vraiment valables.
 
L'introduction du film de 1995. Parce qu'il faut la voir.

Quoi qu’il en soit, je n’ai jamais dit être doué pour présenter des films, mais celui-ci m’a bien conquis, et je vous le recommande, parce que c’est un bon film, qui a le mérite de nous faire réfléchir sur le monde qui nous entoure.

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