mardi 26 avril 2016

Critique n°29 : Sengoku Jidai Shadow of the Shogun, ou l'art militaire japonais

Après l'extension d'Hard West, nous avons réalisé ici pour la Gazette du Wargamer un aperçu d'un jeu qui sortira en mai 2016. Je ne manque pas au plaisir de retranscrire tout ça.

Introduction

En réalisant le très bon Pike & Shot et son extension Campaigns (août 2015), wargame tactique centré sur la période allant de l’après-guerre de Cent Ans à la fin de la guerre de Trente Ans, les développeurs de Matrix / Slitherine avaient à cœur de reproduire une époque très peu fréquente dans les jeux vidéos, et pourtant fondamentale dans la naissance de l’art militaire moderne, avec l’essor des piquiers et des armes à feu portatives. En reprenant le même moteur de jeu, les développeurs se sont donc attaqués au Sengoku Jidai, période tout aussi importante pour l’art militaire japonais, dans un jeu sous-titré à juste titre Shadow of the Shogun.
 
I. Un peu d’histoire

Le Sengoku Jidai, ou « période des Royaumes Combattants », est en effet une période fondamentale dans l’histoire du Japon. Lorsque le pouvoir central du Shogun s’effondre à la suite de la Guerre de l’Onin (1467-1477), les conflits féodaux entre les Daimyo locaux se multiplient, et aboutissent à un état de guerre larvé qui se prolonge jusqu’à l’unification du Japon sous la poigne de Daimyo plus puissants ayant vaincus leurs ennemis, conquis Kyoto et reconquis le statut de Shogun : Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi et finalement Tokugawa Ieyasu en 1603.

Nouvelle période, nouveaux enjeux.
Dans l’art militaire même, le siècle augure de changements importants : le Samurai s’équipe de plus en plus pour le corps-à-corps, les mercenaires et les laissés-pour-compte appelés Ashigaru sont organisés dans des formations militaires complémentaires par les Daimyos les plus compétents et ambitieux, et les armes à feu sont introduites au Japon vers 1543 par les Portugais.
 
II. Du terrain connu …

Pour ce que nous avons pu en voir pour le moment via la bêta, le studio Byzantine Games a repris très exactement le même système de combat utilisé depuis la série des Battle Academy initiée en 2010 pour la Seconde Guerre Mondiale, et celle des Pike & Shot commencée en 2014 : vous jouez votre tour en déplaçant vos troupes, vous vous positionnez sur un terrain calculant les hauteurs et concentrant différents types de paysages et de couvert, vous tirez, et vous chargez. C’est ensuite au tour de l’adversaire d'en venir aux mains. Si vous n’aviez pas accroché à ce système de combat, difficile de vous recommander ce bébé là.

Un système de jeu identique, accompagné de la présence nouvelle d'un général
Les modes de jeu sont là aussi de la partie, et assez traditionnels : tutoriels, scénarios, campagnes semblables à la dernière extension de Pike & Shot, escarmouches et éditeur de carte. Là encore, les développeurs sortent une recette qui a déjà marché, notamment pour ces campagnes offrant un jeu à plus long terme un brin plus savoureux avec ses mécaniques propres.
 
III. … et quelques nouveautés

Le contexte, bien que traité largement dans le dernier opus de la longue série des Nobunaga’s Ambition datant des années 80, et dont la dernière mouture  est sortie en septembre 2015, et dans le un peu moins récent et le un peu plus grand public Total War – Shogun II (2011), arrive à détonner, avec des unités bien plus exotiques que dans Pike & Shot, et une importance accrue donnée au corps-à-corps. A part les différents briefings et scénarios, il est dommage que le jeu ne s’attache pas à donner plus de détails historiques.

Finis les mousquetaires et les piquiers.
Une autre nouveauté, celle-là très sympathique, est la présence sur le champ de bataille de généraux. Le général-en-chef, inamovible, donne des bonus aux troupes dans son rayon de commandement, et peut surtout propager ce commandement aux généraux-en-second qui, eux, dirigent une force armée mobile. Cette présence crée de nouvelles dynamiques de placement de troupes, et donne au jeu un aspect toujours plus tactique.

Les généraux-en-second, liés au général-en-chef, une nouveauté sympathique
Conclusion

Sengoku Jidai : Shadow of the Shogun n’a pas vocation à avoir un gameplay original. Il reprend la formule de son aîné Pike & Shot en l’adaptant au contexte du Sengoku Jidai et des invasions de Corée. Il applique une recette qui a fait ses preuves, et qui convaincra facilement ceux qui ont déjà craqué pour ce précédent wargame. D’autant plus que la difficulté est toujours au rendez-vous, avec une IA retorse et maligne, qui vous éprouvera dans un des six modes de difficulté.

On pourra peut-être regretter l’aspect historique pas assez abordé, le retour d’une formule connue, une musique toujours aussi absente et des graphismes un brin sommaire, mais le successeur de Pike & Shot est bien là, au risque de paraître bien muet au rang de la nouveauté.

Critique n°27-bis : Hard West - Scars of Freedom, le retour des moignons

Nouveau test écrit pour la Gazette du Wargamer et accessible ici, pour une extension d'un jeu déjà testé dans leurs colonnes par votre humble serviteur. Attention, c'est assez court.

Introduction

Les mêmes Polonais responsables de la bonne surprise qu’était Hard West, sorti en novembre dernier, ont remis le couvert en mars 2016 avec une petite extension proposant une nouvelle campagne. L’occasion de refaire rapidement une balade dans "l'Ouest Dur" de Creative Forge.

I. Une formule déjà usitée...

Intitulé Scars of Freedom, vendu pour la modique somme de 2.99 euros, ce DLC reprend sans surprise le même principe que celui de son aîné : les combats tactiques sont toujours nerveux, la musique et l’esthétique sombres.

Le scénario commence par du tir au pigeon.
Scars of Freedom se présente comme un nouveau scénario, où on retrouve encore une fois un ou plusieurs protagonistes engagés dans des affaires peu catholiques et tentant de survivre tant bien que mal.

Une carte de campagne toujours aussi dépouillée
II. ...Avec quelques nouveautés

Cette campagne, qui ne vous prendra que quelques heures à jouer, a pour originalité de mettre le joueur dans les bottes d’une jeune femme en état de décomposition, capturant un docteur émérite, et lui racontant son histoire, d’esclave à être humain modifié selon des procédés douteux en utilisant des parties de cadavres.

Des lieux aussi sympathiques qu'une morgue...
Les cartes de techniques portent ainsi des noms d’organes et de membres, ce qui donne son « caractère » à cet add-on, et il faudra veiller à l’état de décomposition accompagnant les multiples greffes. Un côté macabre bien appréciable sans doute.

...Et des cartes de techniques plus glauques.
Conclusion

Cette extension apportera ce que le prix laisse indiquer : une campagne à l’image des huit scénarii du jeu original. Intéressant pour repasser une ou deux soirées à batailler dans ce monde décalé, mais n’y cherchez rien de plus.

mardi 5 avril 2016

Critique n°28 : The Revenant, ou l'Oscar inespéré

Ca fait longtemps qu'on a pas traité d'un film. Le dernier en date, c'était Mad Max, et il prenait déjà bien aux tripes grâce à un savant cocktail d'action frénétique et une grosse musique bien rythmée. Ici, le parti pris est tout autre, mais le résultat est le même. Allons donc voir de plus près cette épopée de réalisation.

I. Un tournage épique

Alejandro González Iñárritu, après avoir remporté des Oscars et un César pour son film Birdman sorti en 2014, a remis le couvert de la réalisation et de la scénarisation d'un film adapté d'une histoire vraie, celle d'un trappeur réussissant à survivre envers et contre tout en pleine nature et racontant son expérience dans un livre.

Elle est bonne ?
 
Nous nous retrouvons ainsi dans The Revenant, qui s'est imposé à lui-même des contraintes techniques éprouvantes : pas de lumière artificielle, un tournage au Canada en plein hiver. Engelures, nager dans l'eau gelée, dormir dans une carcasse, manger de la viandre crue : le cahier des charges était serré pour le pauvre Di Caprio qui a mérité dans le froid de la survivance son Oscar.

II. Survivre

Pas de lumière artificielle, une caméra au coeur de l'action, ça ne suffisait pas. Pour rendre le quotidien d'un trappeur, il fallait reproduire les conditions d'époque. Le décor est simple : des trappeurs anglais, des tribus indiennes, des trappeurs français, et le commerce des peaux. A partir de ce constat assez simple, le héros principal finit séparé de tous après un combat que vous connaissez déjà tous, car vous êtes des malins et vous avez regardé la bande-annonce.

"Comment vais-je avoir mon Oscar ?"
Cette lutte contre la mort rejoint une lutte pour la vengeance, et ces deux intrigues se mélangent pour nous donner un film où la mort est au bout de chaque pas dans une nature immense et sauvage. Les panoramas sont sublimes, et la musique planante est là pour nous montrer que la nature dépasse de loin l'homme et sa société "civilisée". Les trips mystiques d'un homme à moitié mort rentrent aussi dans le jeu.

C'est beau.
A partir de là, on pourrait dériver sur l'homme moderne et l'écologie, sur la façon dont la société et la nature sont structurées, mais profitons plutôt du film.

Conclusion

Aussi incroyable que cela puisse paraître, il n'y pas grand chose à dire d'autre sur ce film. Il est à voir une fois, en plein écran, pour avoir une belle claque et se dire qu'ils n'y sont pas allés de main morte sur le tournage. Mais impossible de le regarder une seconde fois, tout du moins pour ma part, car le film a un rythme assez lent, et beaucoup de plans magnifiques, mais fixes.

Tout comme Mad Max était une expérience de vire-voltage furieux, The Revenant est un film où l'accroche se fait par le caractère brutal d'une nature immuable. Deux visions éloignées nous menant à deux expériences incontournables de cinéma.

Allez-voir ces deux films, braves gens.